Conseils de lecture
Gugubarra ou le livre des rêves aborigènes.
Comment faire quand on se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment dans un pays, l’Australie, dans lequel on vient d’arriver et que forcément on ne connaît pas ? Pour Antoine trentenaire un brin mélancolique cela vire au cauchemar assez vite, cette mauvaise rencontre va bouleverser sa vie.
Légué par son grand-père, Antoine possède un bel appartement place de la République à Paris, son compte en banque est assez fourni, cela lui permet d’être un jeune homme sans besoin, sans activité, sans réelle préoccupation sinon celle de soigner ses blessures d’enfance et son sentiment de culpabilité envers sa famille.
Cela lui laisse le temps de s’intéresser un peu au monde autour de lui qui est fait de manifestations, de grèves et de colères sociales. Place de la République les braseros chauffent le ciel et les esprits. C’est ainsi que son destin va l’emmener de Notre-Dame-des-Landes à Kalgoorlie, petite ville minière située dans le bush australien.
Gugubarra est un roman initiatique. Le grand-père d’Antoine était ethnologue, bien des années avant il est venu dans la région, il a côtoyé les aborigènes, écrit sur eux et tenté de défendre leur droit à tout simplement exister : « Faire société, c’est être capable de comprendre l’autre, l’empathie, Antoine…et c’est accepter des règles communes. Pour les aborigènes, les règles australiennes ne sont pas communes, elles ont été plaquées sur eux comme de la peinture sur de la poussière… »
Gugubarra est un oiseau, un martin-pêcheur au cri si particulier, presque humain, criard et communicatif : « Au début, Antoine, il n’y avait que la nuit…Le grand créateur Baiame se dit que les êtres vivants aimeraient avoir la lumière. Alors il entreprit de faire un feu gigantesque pour créer le jour. Mais avant, par crainte d’effrayer les animaux avec cette lumière nouvelle, il chargea Gugubarra de lancer son cri pour faire savoir que la lumière allait arriver. L’oiseau se mit à crier et réveilla tous les habitants de la Terre qui purent assister au premier embrassement du ciel. »
Pour Antoine Gugubarra c’est ça, sortir de la nuit pour aller vers la pleine conscience de soi. Trouver sa voie et son cheminement intérieur. Ce livre de Jacques-Olivier Trompas fait un bien fou.
"Rembrandt et Comenius: quand deux génies se rencontrent."
Amsterdam 1656. Alors que Rembrandt voit ses créanciers à sa porte, il croise le regard bleu d'un inconnu dans la foule, qui immédiatement capte son attention. Sur fond de siècle flamboyant, nous sommes conviés à les écouter tantôt débattant des questions de leur temps, tantôt confiant leurs doutes d'hommes et de père. Mais dans l'atelier, ce regard bleu qu'il faudrait parvenir à rendre sur la toile, demeure insaisissable."
Pour ce livre Lenka Hornakova-Civade sera à la librairie Les oiseaux de nuit le samedi 9 juillet 2022 à 15h30. Elle sera invitée pour nous présenter son roman en compagnie d'Anne Delaflotte Mehdevi qui vient de publier Le livre des heures aux éditions Buchet-Chastel.
Le livre des couleurs.
"Magnifique portrait de femme, amour des couleurs, de l'art et de la vie; ce nouveau roman d'Anne Delaflotte Mehdevi possède un véritable charme."
"Marguerite, fille et petite-fille d'enlumineurs, vit sur le pont Notre-Dame. Son frère jumeau est gravement malade et sa mère préfèrerait que ce soit Marguerite. Chaque jour, elle accable sa fille, et chaque jour, pour échapper à sa mère, Marguerite se réfugie dans l'atelier d'enluminure et ses couleurs fabuleuses.
Pour ce livre Anne Delaflotte Mehdevi sera à la librairie Les oiseaux de nuit le samedi 9 juillet 2022 à 15h30. Elle sera invitée pour nous présenter son roman en compagnie de Lenka Hornakova-Civade qui vient de publier Un regard bleu aux éditions Alma.
Être libre un point c'est tout.
Renata n’importe quoi c’est l’histoire d’une bonne à tout faire qui ne veut plus être commandée, par rien ni par personne, elle quitte alors son emploi avec détermination pour devenir « une libre », elle prend ses affaires, qui tiennent dans quatre paquets et part, pour commencer, à la recherche d’un banc ou s’assoir et écouter les oiseaux.
Renata n’importe quoi est le monologue de cette femme qui pense beaucoup, sans arrêt et qui cherche dans sa tête les moyens d’être « contente ». Ce roman est une longue phrase sans point, après tout quand on pense il n’y a pas de ponctuation, ça ne s’arrête pas les pensées, elles viennent, s’entassent et se nourrissent d’elles-mêmes.
Avec elle on va déambuler dans les rues de Paris, zyeuter les vitrines des « beaux magasins », descendre dans le métro pour changer de quartier. Entrer chez les commerçants et y faire quelques emplettes, comme acheter un bout de ficelle pour tenir ses paquets, boire un café, manger une tomate ou encore se faire un cadeau. Cela se fera toujours sous la pression de ses pensées qui tour à tour se font joyeuses, désinvoltes ou, en fraction de seconde, deviennent obsessionnelles et tranchantes. Parfois, prise dans une de ses fureurs on se demande si des démons intérieurs ne commanderaient pas cette femme.
Puis les pensées ça use aussi, ça fragilise et parfois ça encombre, un peu comme ces paquets portés à bout de bras : « , et mes paquets c’était comme une tristesse que je portais, et c’était comme du noir dans mes pensées, ce n’était plus la liberté, »
Pourtant cette farouche volonté de rester libre va l’emporter et se radicaliser : « , vous avez tort, elle a dit, on est drôlement bien ici, ils sont gentils, on s’amuse, on a la télé, Mais vous n’êtes pas libres, j’ai dit, alors elle a eu l’air étonnée, Mais si on est libres, elle s’est écriée, on peut sortir quand on veut et en plus ils nous paient pendant qu’on apprend un métier pour qu’on ait déjà une petite somme quand on quitte la maison, L’argent, j’ai dit, c’est lui qui vous commande, alors vous voyez bien que vous n’êtes pas libres, j’ai dit, »
À cet instant les menottes sont pour nous, cette femme est révolutionnaire, une affranchie, une vraie libre, un point c’est tout.
Paru en 1967, ça n’a pas été n’importe quoi pour l’autrice, Catherine Guérard, en lice pour le Goncourt, frôlé de peu, il sera finalement attribué à André Pieyre de Mandiargue pour La marge, dont le roman raconte l’histoire d’un homme qui après un choc affectif se retrouve « en marge » de sa vie…
Catherine Guérard, après la parution de Renata n’importe quoi, comme « en écho au destin de son héroïne » va disparaitre de la vie littéraire, personne ne sait ce qu’elle est devenue.
Pour en savoir un peu plus sur ce livre et son autrice vous pouvez vous rendre sur le blog de Tilly, vous y retrouverez notamment un extrait de l’émission Du Masque et la plume du 10 décembre 1967.
https://tillybayardrichard.typepad.com/le_blogue_de_tilly/2013/04/lu-renata-nimporte-quoi-roman-de-catherine-gu%C3%A9rard.html
Viral H.G.
Je lis Hervelino de Mathieu Lindon, je le lis après avoir tourné autour et repoussé cette lecture plusieurs fois, plusieurs mois de suite. Le livre est paru en janvier, je le lis au cœur d’août.
Il me fallait sans doute la chaleur de l’été pour atténuer ce que je savais trouver dans ce livre, le froid de la mort d’Hervé Guibert.
Mathieu Lindon, dans Hervelino, choisit d’écrire sur les dernières années de vie de l’auteur, celles des années passées à la Villa Médicis, à Rome, celles de la manifestation de cette maladie qui arriva incognito et submergea tout si rapidement.
J’ai commencé mon métier de libraire en 1987, j’avais 24 ans, je débutais dans une librairie du XVI -ème arrondissement située avenue Mozart, la propriétaire, une demoiselle très âgée, ne voulait comme libraires que des hommes, de préférence homosexuels.
D’Hervé Guibert j’avais déjà lu quelques livres que je n’aimais pas toujours. Je leur trouvais une certaine insouciance et une facilité qui tournait à l’exercice de style.
J’ai attrapé Hervé Guibert avec Fou de Vincent, paru en 1988, là oui, il m’a eu. Puis surtout L’Incognito est arrivé juste après. Ce livre est pour moi son meilleur, pour qui veut comprendre ce que l’urgence d’écrire veut dire, l’urgence de vivre aussi, personne n’a jamais fait mieux. Dans ce livre j’ai couru avec eux dans les rues de Rome, même si ce « je » est un autre.
Si Hervé Guibert m’avait happé avec Fou de Vincent, Mathieu Lindon me happe à son tour avec Hervelino. J’imagine combien cela a dû être difficile pour lui d’écrire ces pages, de devoir tout remuer, charrier pour en arriver à l’eau claire de ces lignes.
Pourtant, Mathieu Lindon intellectualise beaucoup, cela manque un peu de chair pour moi, mais ce livre fait revivre un auteur qui a bouleversé ma vie de jeune homme, de lecteur et de libraire, alors pour cela, mille mercis.
Un ami n’est pas venu s’assoir sur le lit de Mathieu Lindon pour faire avec lui, comme il le faisait pour Hervé Guibert, les corrections de son livre, pourtant il y en avait besoin, mais d’une certaine façon c’est bien ainsi, cela en fait un texte encore plus émouvant, si c’est possible.
« Ecrire sur mon lien avec Hervé, du début à la fin et de A à Z, j’ai la sensation que je n’y arriverai pas ». Mathieu Lindon pense qu’une raison mystérieuse le dépasserait « quasi ontologiquement. »
A plusieurs reprises, dans ce livre, Gaston Lagaffe est évoqué. Franquin avait trouvé plusieurs séquences pour prolonger les aventures de son personnage. L’on se souvient de la Ford T, puis de la mouette et du chat ou encore de Monsieur De Mesmaeker…
Qu’Il est surprenant de terminer cet article avec Gaston Lagaffe ! G.L à vie.
Extrait : A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie suscita en moi une sorte d’admiration pure. C’était sa mort qu’il commençait à écrire après avoir déjà si bien écrit sa vie et j’étais comme un enfant, perdu dans mes bons sentiments, une sorte d’appel à la magie, comme s’il eût pu écrire un tel livre et que tout soit faux, que ne restât que la valeur littéraire du texte mais qu’en vérité Hervé ne soit pas atteint, que de longues années n’attendent qu’à s’étirer encore devant lui et nous »