Didier J.

19,00
Conseillé par (Libraire)
26 juin 2021

Comment doucher les dégueulasses ?

Alors qu'il pense avoir tué un policier anti-émeute, Manuel part se mettre au vert dans un village abandonné, loin de Madrid.
Se mettre au vert est un bien grand mot quand on ne sait pas faire la différence entre un pissenlit et une branche de fenouil!

Cependant Manuel va se montrer très vite débrouillard dans l'art de la vacuité. Sa technique est simple, elle est aux antipodes d'un Henri Thoreau qui appelait à se passer de beaucoup, quand Manuel, apprend lui à n'avoir plutôt envie de rien... ni de personne.

Les jours se suivent et Manuel devient un expert dans l'asséchement de la bernique!

Cette sublime solitude ne va pas durer, une famille débarque dans le village et s'installe dans une maison mitoyenne à celle où Manuel tente d'échapper à son sort, qui est en principe, de se retrouver derrière les barreaux.

Mais qui sont ces gens que Manuel appelle les Mochefèses? La description qu'en fait Manuel est un "compendium" de jubilations, il nous faut reconnaître qu'il est alors un peu dégueu avec les dégueulasses! Voici un bout de portrait de la matriarche:" Joaqui inspirait à Manuel un dégout d'envergure continentale. Il disait à son propos des choses qui m'alarmaient, moi qui ne la connaissais pas. Elle était hyperfessue. On voyait de loin que son visage sentait mauvais, comme les ruelles sombres. Derrière ses genoux, ça puait la guerre. Le prototypes de la femme qui confond le tiroir des slips sales et celui des slips propres."

Manuel voue une détestation identique pour les enfants du couple: " C'étaient des geignard qui savaient que, même s'il ne leur était rien arrivé, ils devaient pleurer pour parvenir à leurs fins. Des bébés surprotégés qui avaient besoin d'aide en tout et qui ne parlaient qu'en sanglots. De grossiers personnages qui criaient tout le temps, comme pour voir qui pouvait battre Fosbury au saut en décibels."

Manuel décide de faire déguerpir ces dégueulasses, pour ça il a sa méthode...son plan.

Ce roman est bien plus érudit que cette notice ne le laisse croire, il pose de véritables et bonnes questions sur la société de consommation et sur le définitif abaissement de l'espèce humaine.

Les Éditions Noir sur Blanc

19,00
Conseillé par (Libraire)
19 avril 2021

Une aventure à coups de pétoires !

Il y a du Tom Sharpe chez Anton Tomic, c’est indéniable et c’est tant mieux, ainsi la lignée des écrivains drôles, irrespectueux et anticonformistes se poursuit à coups de pétoires !
Le ton est donné dès le début du livre, quand Zora, l’épouse de Joza Aspic quitte se bat monde : « Zora se tut jusqu’à son dernier soupir, où elle jeta un tendre et ultime regard à son époux et murmura : « tu es une merde. » »
Dans un coin paumé de Dalmatie vit la famille Aspic, le père déjà nommé et les quatre fils. Un peu comme dans Aux urnes les ploucs de Charles Williams, les Aspics n’aiment ni l’Etat ni la civilisation et encore moins les fouineurs comme peuvent l’être, par exemple, les employés de l’Intercommunale d’électricité…Toute intrusion dans la combe est mal vécue, quiconque y met un pied y risque sa peau.
Oui mais voilà, l’absence de femme commence à se faire ressentir, notamment pour la santé mentale et physique du frère ainé, Kresimir. Manger de la polenta tous les jours ça pèse sur l’estomac, même si elle est agrémentée de caramel ou de cacahuètes, de noix de coco ou encore de ketchup, de la polenta ça reste de la polenta !
Ainsi démarre la jubilatoire aventure de la quête de la future épouse, cela promet, il va y avoir une profusion de sourires et de rires !
Sans oublier que les Aspic sont teigneux, hargneux, mal fagotés, pas éduqués ni lavés, là, les choses… se croatent...

15,00
Conseillé par (Libraire)
26 mars 2021

Pour la fille et le fils perdus

« Les blackbirders étaient des aventuriers qui parcouraient le Pacifique au XIXe siècle dans le but de séquestrer des autochtones pour le travail forcé principalement dans les plantations de canne à sucre dans le Queensland en Australie. Ils ont contribué à dépeupler des îles et des archipels. Leur action a été interrompue par le placement sous protectorat de ces archipels par les nations occidentales encore que les États aient souvent soutenu les blackbirders en matant les révoltes qu'ils provoquaient.
Les peuples déplacés étaient des Kanaks (terme désignant aujourd'hui les autochtones mélanésiens en Nouvelle-Calédonie) et venaient des îles du Pacifique sud : de Mélanésie, des îles Salomon, du Vanuatu et, en moindre nombre, de Polynésie et d'îles de Micronésie comme Samoa, Kiribati et la province des îles Loyauté. » Source Wikipédia.

Le roman Blackbird se lit comme un récit d’aventures historiques mais pas seulement, il y a dans ce livre une dimension spirituelle qui vient des rites anciens, des croyances et des coutumes primitives, c’est ce qui en fait sa force.

Construit sur deux époques, l’une dans la fin des années 1860 et l’autre de nos jours, les personnages vont interagir de façon à cheminer vers une seule et même histoire. Jacques-Olivier Trompas excelle à nous transporter dans ces îlots rocheux des Nouvelles-Hébrides, que l’on nomme maintenant le Vanuatu ou dans les mégapoles de l’Australie contemporaine.
L’histoire et belle et forte, les images sont percutantes, le style rapide, tous les ingrédients sont présents pour en faire un roman poignant.

29,00
Conseillé par (Libraire)
3 février 2021

Mylène Rémy. Mes souvenirs de diamants.

Voici une biographie enlevée, drôle, magistrale, écrite avec le beau style d'une femme lettrée et engagée. Mylène Rémy, du haut de ses 90 ans, nous raconte sa vie avec une énergie incroyable. Quel parcours, quelle détermination, quel allant! Il convient de saluer bien haut un livre dont l'histoire commence dans une famille de l'Action française installée dans les beaux quartiers du Champ-de-Mars à Paris et se termine par un Shalom venu d'un village perdu en Nièvre, Ciez pour le nommer.
"Les dieux - hindous ou non - m'attendaient au tournant ou plus exactement au lieu-dit Les Pautrats.
L'installation D'une parisienne inconnue dans un hameau nivernais ne passa pas inaperçue de mes voisins
paysans, d'autant qu'elle s'était faite en juillet, c'est à dire au moment des récoltes dans cette région de cultures
céréalières. Toute la journée passaient devant mon jardin des engins gros comme des maisons, surchargés
de gens aux yeux dardés sur cette femme, généralement vêtue d'un boubou, qui attaquait à la scie égoïne,
à longueur de journée, d'immenses panneaux d'aggloméré, l'un à la suite de l'autre."

De droite à gauche dans la tourmente du XXe siècle, nous raconte le parcours d'une femme qui commence dans les années 1924. "Tout en dansant le charleston avec "les grands", elle écoute leurs discussions enragées et en conclut qu'elle n'a besoin de personne pour conduire sa vie." Et le moins que l'on puisse dire c'est que cette attitude sera tenue, Cela ne sera pas facile tous les jours, les contraintes seront nombreuses, mais il n'y aura jamais de reculade, toujours de la détermination.
Et, à force de ténacité un cheminement s'installe, une trace creuse son sillon. Sillon qui l'emmènera dans divers pays d'Afrique pour lesquels elle écrira des guides de voyage. Elle nous parlera de la Provence qui lui manque tant. Mais surtout elle insistera pour témoigner sur son parcours de femme dans les années 50-60-70-80-90, des combats permanents pour simplement être, exister et vivre en liberté. Chaque décennie bousculera avec elle le vieux monde, déposant-là des certitudes et offrant ailleurs des avancées définitives, acquises par la lutte. Le tout est délivré par Mylène Rémy avec un sens de l'autodérision qui nous fait sourire ou rire le plus souvent, c'est délicieux , franc, malin, utile.

Roman

J. Verney

La Grange Batelière

Conseillé par (Libraire)
12 janvier 2021

Sur les pas de César Aira

Le roman commence par un journal autofictionnel. C'est un homme qui aime les les hommes et l'écrit avec fougue mais aussi sensualité. Cet homme n'hésite pas non plus à nous parler de son corps, qu'il aille bien ou mal.
Dans les Sagoens, l'on voyage beaucoup, des plaines du nord de la Belgique ou de la Somme, du Paraguay à l'Argentine, en passant par la Forterre et les sombres pays de l'Othe ou de Daoulas en Finistère à l'Open café de Paris!
Sur les pas de César Aira nous dit l'éditeur, mais les deux textes ouvrent sur un panthéon généreux, on est en bonne compagnie. Dominique Fernandez pointe son nez, Michel Tournier fait un tour avec le Roi des Aulnes. Mathieu Riboulet est partout comme chez lui. Blaise Cendrars en ami fait un signe, Pasolini en frère d'armes un autre. Julien Gracq, si proche du végétal, du minéral passe par-là. Serge Doubrowski, accompagné de son petit fils Guillaume Dustan trinquent plusieurs fois... Renaud Camus, à ses débuts, est aussi de la fête, tout comme le sont Pierre Loti et Pierre Michon.
Cependant, l'invité surprise pourrait bien être Jean-Anthelme Brillat-Savarin! En effet, au fil des pages se succèdent les descriptions de repas tantôt pantagruéliques, tantôt dignes d'un chef étoilé, le livre donne littéralement faim!

Le journal devance le Grand Roman mais il en est aussi l'ossature, la chair et le sang:" On ne pouvait envisager chacun des épisodes séparément; on ne pouvait comprendre l'un sans l'autre." Le Grand Roman serait donc une sorte de GR, le fruit du travail d'un mémorialiste qui suit une piste, dont la mission est de retrouver un jeune homme trop tôt disparu, un Jeune Prince issu d'une haute lignée.

Dans Les Sagoens, J.Verney parfois emporté par la recherche de la belle phrase ou des mots et verbes rares comme: Groube, maïe, escarnavé, péridot, locater ou autre patrioquer, retarde l'intrigue, malgré moult cavalcades on prend des poses, des haltes, on s'arrête comme on le ferait pour décider de bifurquer vers un chemin plutôt qu'un autre. Et c'est aussi ce que va décider le Jeune Prince, tel un Siméon le jeune, stylite perché au sommet de sa colonne, Napoléon, Eugène, Louis, Juan, Joseph Bonaparte rejoindra les hommes ivres de Dieu.

Extrait: "En plus de cet album de la vie de son fils, les murs de la résidence étaient encombrés d'un bric-à-brac d'autres images, héritées de la mer. Arrachées à la mer? Comme si la vague des photographies, des peintures à la gloire du Jeune Prince, n'avait pas réussi à effacer complètement d'autres vagues, plus anciennes; comme s'il en subsistait des reliefs, les pièces et les reliques d'un naufrage, les planches usées, madriers, lattes...où l'attention découvrirait également les êtres démantibulés des abysses, ramenés d'abord dans les eaux supérieures, puis exposés sur le sable cru des parois. Comme si la résidence, les volées d'escalier de la résidence, était une côte naufrageuse sur laquelle la mer aurait drossé de pauvres navires- et porté ces pièces et reliques d'autant plus haut dans les étages que les courants avaient été puissants."