Mémoires barbares
EAN13
9782226216823
Éditeur
Albin Michel
Date de publication
Collection
Poésie Hors Collection
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Mémoires barbares

Albin Michel

Poésie Hors Collection

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Je suis né en même temps que l'aéroplane dans la plaine de la Mitidja, au sud
d'Alger. J'ai passé mes premières années avec ma mère, ma grand-mère, mon
oncle Jules et un vieil ouvrier agricole indigène qui s'appelait Meftah. On
s'éclairait à la bougie, le pétrole et la lampe Pigeon étaient un luxe, nous
allions à Boufarik dans un break à deux chevaux, les premières autos
commençaient à rouler en soulevant un nuage de poussière, il y avait des
fusils partout, le soir je m'endormais dans le hululement des chacals et la
voix qui appelait les Arabes à la prière. J'ai appris à lire et à écrire dans
Le Chasseur français. Au lycée d'Alger, je fus un cancre, on m'expédia au
séminaire : notre professeur de grec sondait l'éther avec un poste à galène et
notre professeur de littérature entrait en transe en lisant Lamartine.
Ma vocation, je la trouvai dans l'armée. Je devins officier. Mes inspirateurs
furent un merveilleux mandarin omniscient à demi loufoque, Montherlant et deux
poètes alors à Tunis, Jean Amrouche et Armand Guibert. Quand la Deuxième
Guerre mondiale éclata, j'étais dans l'aviation, le désastre nous chassa
jusqu'à Alger et le drame de Mers el-Kébir nous rangea du café de Pétain.
Antijuif et antiarabe, je fus un homme de droite jusqu'à l'arrivée des Alliés
en 1942. La confusion qui régnait fut mon salut : j'allai où je devais. Mon
premier livre, La Vallée heureuse, raconte comment les bombardiers lourds de
la RAF écrasèrent l'Allemagne. A mon retour en France en 1945, Camus m'ouvrit
les yeux sur le monde, puis je marchai seul. Après ce que je vis en Indochine,
je quittai l'armée. Après ce que je vis en Algérie, je devins un subversif.
Je le suis toujours.
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